Les Hangar't ont 20 ans.
L'histoire a commencé en 1992 au fond d'un hangar poussiéreux de Nizon. Aujourd'hui, les artistes amateurs exposent à Manhattan, en octobre, et à Paris, en novembre.
En 1992, Pop's Le Quentel cherche un moyen original de sauvegarder la mémoire de Nizon. « Un soir, on s'est retrouvé au Café le Noc dans le bourg de Nizon », se souvient Marie-José Le Tallec, aujourd'hui âgée de 73 ans.
« Pop's nous a expliqué sa méthode de retranscrire les photos pour les peindre. À l'époque, on relevait les contrastes sur du papier à dessin. Pas évident au départ, mais on s'y est mis. » Aujourd'hui, les photos sont projetées sur la toile pour y être peintes.
Marie-Josée dispose d'un trésor de guerre. « Mon grand-père, qui s'appelait Robert Gravier, était photographe à Pont-Aven. J'avais conservé des milliers de photos à la fermeture de sa boutique. »
Les barbouilleurs, comme ils aiment se baptiser, s'installent dans le hangar de l'ancienne usine Lomenech. « On a tout de suite osé les couleurs flashies, des vaches bleues, des ciels roses, de l'herbe rouge. »
Les photos austères du début du siècle explosent de couleurs. Tout le monde se met à peindre à Nizon. Le boulanger, le carrossier, les agriculteurs... Un vrai travail d'équipe dans la joie et la bonne humeur. « Ah qu'est-ce qu'on rigole ! » s'exclame Marie-Josée.
Les barbouilleurs et la mamm gozh
Le barbouilleur en herbe commence d'abord par une sorte d'examen de passage, peindre la mamm gozh. « C'est la grand-mère à Nono Cousin. On l'appelle aussi la Marylin de Nizon. Tout le monde commence par elle ! »
Le hangar Lomenech démoli, les barbouilleurs se réfugient dans le fournil au-dessus de la boulangerie Le Beux, route de Trégunc. L'association garde l'origine de son nom, le Hangar't. « C'est une ancienne salle de bals dans laquelle on a tous guinché, se souvient Marie-Josée avec émotion. Regardez, les miroirs sont encore là, on se recoiffait, se remettait un coup de rouge à lèvre en passant ! »
Les peintures de Nizon ont franchi les frontières du bourg. Derrière chaque tableau se cache un pan d'histoire. « À travers les photos, on redécouvre l'histoire du pays, l'économie, les paysages. C'est notre capital de mémoire. Par exemple, pendant la guerre 14-18, on allait se faire prendre en photo en famille chez le photographe, pour l'envoyer ensuite sur le front. » C'est comme ça que Marie-Josée a repeint son arrière-grand-mère aux côtés de sa grand-mère.
Deux moments forts règlent la vie de la commune rattachée à Pont-Aven : la fête des cabanes en juin et le pardon de Nizon en septembre. « Lors de ces deux manifestations, les tableaux sont accrochés dans les arbres ou sur le pignon des maisons. » Les tableaux n'appartiennent à personne. « Personne n'a pensé à signer son tableau, c'est extra ! »
Les tableaux de Nizon se baladent dans le monde entier sous formes de voyages ou de prêts. L'initiative fait des émules. Certains villages ont voulu sauver leur mémoire en l'imprimant sur la toile de cette manière, comme à Groix, ou encore à l'île de Sein, à Arzon... Quelques jeunes commencent à venir barbouiller au Hangar't.
À l'automne, pour fêter leur 20e anniversaire, les barbouilleurs de Nizon vont aller exposer une trentaine de toiles à Manhattan, à New York.