Léna et Solange, à peine plus de 80 ans au compteur ; Armand, l'agriculteur retraité, 82 balais solidement portés ; Marguerite et Lisa, 15 printemps souriants ; Jean-Paul et Michel, les bouchers sculptés dans du steak saignant ; Ronan le boulanger à la brioche naissante...
Quarante-six Bretons de Nizon, près de Pont-Aven, ont investi New York et un festival artistique, pour y exposer leurs tableaux exécutés à la manière du peintre Andy Warhol. Des toiles qui racontent la mémoire de leur petite commune rurale. Du Pop art revisité et garanti sous label fermier, réalisé à partir de vieilles photos. Un travail collectif déjà vieux de vingt ans et qui porte le nom de Hangar't...
Sans complexe
Tous sont là sans complexe. À l'image de Fabienne, 47 ans, acheteuse dans la grande distribution. Elle a débarqué avec son tableau One step sous le bras. One step, comme le nom d'un de ces orchestres jazzy qui animaient Nizon et les bals des communes avoisinantes dans l'après-guerre.
« En fouillant dans mes souvenirs et mes vieux rangements, j'ai retrouvé une vieille photo noir et blanc bien décatie représentant quatre musiciens originaires de Nizon et Névez. Ça a fait tilt dans ma tête et celle de Martine, ma belle-soeur » Et alors ? « On s'est lancé et puis c'est tout. » Une semaine de peinture grosso modo pour peindre l'orchestre... précisément dans l'ancienne salle de bal attenante à la boulangerie de Nizon, reconvertie en atelier de peinture.
« Mais attention, c'était pas de la peinture productiviste, sourit Fabienne. On savait prendre du bon temps, en allant prendre le café au bistrot du boulanger. Et qu'est-ce qu'on a pu rire avec nos vétérantes. Celles-là, c'est des championnes. »
Pas Lena qui dira le contraire. Depuis son arrivée à New York, elle est de tous les coups, de toutes les sorties. Du haut de ses 81 ans, elle en remontre aux jeunots. René, son mari resté à Nizon, peut être rassuré. Elle tient la route la mam ghoz (grand-mère)...
Paul Burel.